écrits et autres traces de lettres
Mes paroles sont le fruit d'un esprit libre. Elles naissent des graines de conscience recueillies sur les chemins que je foule en explorant le vivant et cultive dans le terreau de mon esprit. Ce sont avant tout des questionnements sur notre perception de l'univers, sur notre présence au monde et sur l'attention avec laquelle notre humanité, au sens personnel et collectif, prend soin du vivant.
Je n'ai pas de réponses, mais une marche à suivre. Une marche au sens de traverser des paysages, de traverser les plaines du vivant, de toucher des horizons inconnus, de respirer dans tous ces éléments vibrants et formant le monde dans lequel nous vivons. C'est sous la dictée de l'intelligence et du discernement sensoriel, lors de cette marche que se forge ma pensée et j'apprends l’impermanence des réalités.
La vie n'est pas forcément ce que laisse entendre le mode d'existence actuel et sa raison. Comment la percevrions-nous si la manifestation de notre être ne se limitait plus seulement à la durée de notre présence incarnée dans le vivant ? Quel visage prendrait à notre esprit cette parenthèse de vie durant laquelle se perçoivent la lumière et les sensations perceptuelles rapportées par le corps physique que nous habitons ? Percevrions-nous les instants précédents et ceux succédant à cette parenthèse de vivant révélé à la lumière de cet univers ?
Aborder l'existence comme une brèche temporelle venant troubler la quiétude éternelle de l'être m'ouvre des horizons absents à la manière actuelle, dont la pensée humaine considère le monde, et la Vie en général. S'ouvrir à cette sensibilité aiderait à mieux discerner, à mieux percevoir, à mieux sentir le grand "V" de la Vie. Ce faisant, nous pourrions ainsi mieux saisir le fait que la Vie ne s'arrête pas là où l'existence donne congé à notre personne.
Rien ne s'oppose à la Vie ni n’a la capacité de lui mettre un terme ni de lui opposer une force capable de l'annihiler. Une telle situation donnerait automatiquement naissance à quelque chose de nouveau et serait dans la foulée l'expression naturelle des cycles formant le vivant. Et, même si ce qui en advient nous semble être le néant, ce surgissement démonterait l'immanence de la Vie et légitimerait à notre esprit le mouvement des multiples rebonds se manifestant dans le vivant, d'existence en existence, de période en période, d'instant en instant.
Penser l'incarnation : comme l'instant où l'être séjourne dans le vivant, incite à revoir la pertinence de diverses "formes pensées" encore très actives dans l'inconscient collectif, comme le néant, la mort, les vérités…, tous ces concepts derrière lesquels se cachent des sentiments chargés de peurs et de fausses ombres.
Ce changement de paradigme est certainement le grand défi d'humanité qui nous attend toutes et tous à l'aube de l'ère se commençant. Il nous enjoint de nous affranchir de l’illusion de vouloir trouver dans cet univers une vérité. Il n’en contient aucune autre que le réel que nous peinons tant à percevoir, et dont nous n’avons qu’une pâle révélation au travers du reflet éthéré dans nos réalités. Il nous appartient de libérer notre pensée des nombreux conflits générés par ces croyances qui enkystent la saine raison et la saine morale, et freinent notre évolution en générant autant de petites éternités virtuelles alors que le vivant n'est que mouvement d'une valse dans l'impermanence des instants.
Nous ne devrions pas seulement chercher à comprendre intellectuellement la fin des choses comme on dissèque un corps pour en comprendre le fonctionnement et l'enregistrer dans la logique d'une science. La mort est un concept désespéré qui mine l'avenir à vouloir chercher à la comprendre, alors que la Vie ne la contient pas. En s'accrochant à défier cette illusion, notre raison et notre morale s'éloignent de la terre fertile des possibles de demain. Prendre soin de ce qui vient à mourir, c'est se préparer à accueillir les "naissants" à venir.
Prendre soin de l'être, c'est que m'ont enseigné les Pères du Désert, au travers d'humanistes comme Jean-Yves Leloup et tant d'autres, comme dans le quotidien de ma pratique de passeur d'âme.
C'est dans ce souffle que je perçois l'écologie du vivant.
F. Ledermann
mars 2023